Ces choses et bien d’autres

  • Nombre d’or, 1992.
    Toile, plexiglass, marbre et ardoise, 33 x 33 x 40 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Hecate déesse des 3 mondes, 1992.
    Pierre, granite, ardoise, plexiglass et toile, 40 x 33 x 40 cm. Photo Christian Larrieu.
  • La vérité des choses, 1992.
    Pierre, marbre, plexiglass et toile + éclairages, 50 x 26 x 30 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Le conducteur solaire, 1992.
    Toile, marbre, métal, 42 x 35 x 25 cm. Photo Christian Larrieu.
  • La gorgone, 1992.
    Toile, métal, plexiglass et marbre, 36 x 37 x 41 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Corps et âmes, 1992.
    Granite marbre plexiglass et bois, 30 x 30 x 30 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Le grand Androgyne bicéphale, 1992.
    Toile plexiglass et marbre, 50 x 32 x 45 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Hermes trismegiste, 1992.
    Toile plexiglass marbre et métal, 46 x 41 x 25 cm. Photo Christian Larrieu.
  • Esprit humain (Avec un pied), 1992.
    Toile, plexiglass et pierre, 50 x 50 x 35 cm. Photo Christian Larrieu.

Le visage de Méduse, un fragment de sculpture, une pierre, une étude de nu, du verre transparent en découpes géométriques, ces « choses » et bien d’autres, Sophie Bernard les articule entre elles pour en faire des ensembles à trois dimensions. Ces « choses » sont toutes, à nos yeux, chargées de valeurs symboliques. La Méduse, les fragments de sculptures, les colonnes avec leurs chapiteaux raniment la mémoire que nous avons de notre culture classique. Les pierres brutes ou polies font appel à la sensualité matérielle que nous partageons avec les hommes de tous les temps. Les attaches de métal, de verre, la géométrie des formes rapatrient les souvenirs des temps anciens dans notre modernité actuelle. L’œuvre de Sophie Bernard est une mémoire au présent. Elle est une « œuvre » au sens où nous disons des œuvres qu’elles sont des « monuments » puisque ce mot est de même racine que le mot « mémoire ». Une œuvre, pour Sophie Bernard, est une chose destinée à durer. Elle est faite pour que nous méditions ce qui, dans la vie des hommes, travaille à échapper au temps.

Le « dur désir de durer » dont parle le poète, est au cœur de l’œuvre de Sophie Bernard. Pourtant, cette œuvre n’est pas une compilation mémorielle qui ferait naître en nous la nostalgie du passé. La figure de Méduse, la tête tronquée d’une statue, un bloc de pierre, Sophie Bernard en perçoit l’assemblage à travers diverses transparences et en mettant vivement en jeu des lumières. Ainsi, ce qui unit entre eux ces objets symboliques est une force lumineuse qui entraîne nos yeux. Cette force requiert d’eux le même travail qui a donné naissance à l’œuvre. La lumière, ici, est un matériau qui conduit notre esprit au plus vif de la pensée de l’œuvre. C’est que la lumière est, pour nous, une des réalités sensibles les plus chargées de significations symboliques. Certains artistes en viennent à imaginer qu’elle serait le symbole de réalités non terrestres. Dans l’œuvre de Sophie Bernard, elle est celui de ce travail de la mémoire qui prend en charge, dans l’aujourd’hui, la réalité du passé pour en faire une présence vive. La lumière dans les œuvres de l’art, n’est pas une « chose » parmi les autres choses. Elle n’est pas un matériau dont on puisse modeler un objet. Elle est un événement. Elle est la visibilité même. Le visible, dans l’art, est en constant devenir et son devenir est l’effet du travail de l’artiste. L’œuvre de Sophie Bernard est obsédée par cette pensée.

Marc Le Bot